Qu’est-ce qu’un «bon» psy? Consulter sans se poser la question et faire confiance aveuglément, ou croire que toutes les thérapies se valent, c’est risquer bien des déceptions. Si donc vous recherchez plus qu’une simple oreille, sachez que votre psy s’est aussi demandé ce qu’est un «bon psy» pour choisir sa méthode. Alors, voici mon parcours parmi les incontournables et le cheminement qui m’a amenée à la psychothérapie intégrative.
Alexandre Émile Lefranc disait :
La Psychologie ouvre la route de la science philosophique, la Logique l’assure, la Morale et la Théodicée l’achèvent.
Sommaire
- Aider autrui
- Freud et l’inconscient
- Nos conflits internes
- Philosopher pour être libre
- Jung et l’être humain complet
- Adler et le complexe d’infériorité
- Karen Horney et les mécanismes de défense
La compassion est-elle suffisante pour être un bon psy ?
Aider autrui, voici le leitmotiv des aspirants en psychologie. Mais la compassion est-elle suffisante pour être un bon psy ?
S’il faut du cœur et une bonne écoute, le praticien devra posséder un cadre théorique solide et riche pour vous guider. En effet, le thérapeute n’est pas juste l’oreille amie.
Alors les bons psys, qui sont-ils ?
Chaque psy a ses maîtres à penser. Et chacun de ces maîtres a développé des concepts essentiels. Je vous emmène pour quelques instants dans mes meilleures découvertes, celles qui ont élargi ma pensée. Et qui m’ont permis d’offrir à mes patients une communication fertile.
Sigmund Freud était-il le « bon psy » ?
C’est à dix ans que j’ai commencé à explorer Freud. Introduction à la psychanalyse avait attiré mon attention dans les livres de mon frère et une lecture en cachette déclencha ma passion.
Qu’en ai-je retenu à cet âge ? Tout d’abord que notre inconscient nous dominait et faisait un pied de nez à toutes nos rationalisations, nos certitudes, notre volonté, nos valeurs, nos choix. En conséquence, des questions se mirent à me tarauder… L’humain était-il mû par son seul inconscient et sa volonté consciente réduite à une peau de chagrin ? Devions-nous vivre telles des marionnettes ? Nos impressions de maîtrise n’étaient-elles qu’illusions de l’ego ?
Des pensées dérangeantes
Ces pensées dérangeantes de découvrir l’être humain comme « téléguidé » par ses pulsions, par son passé et l’histoire de sa famille, ou encore les valeurs de sa culture, furent pour moi une grande motivation à l’exercice de la psychanalyse. Après plusieurs années aux États-Unis et l’étude de différentes ethnies, l’effort de prise de recul m’apparut d’autant plus essentiel.
Les conflits intrapsychiques qui nous tourmentent…
La seconde étape fut de découvrir que notre esprit bascule d’un cluster psychique à un autre (vous le constatez lorsque vous décidez de faire un régime et que, comme par un enchantement, vous vous retrouvez la main dans la boîte de chocolats !), et que ces clusters semblent s’ignorer l’un l’autre. On doit alors se pencher sur l’économie psychique. Par exemple, Freud percevait un conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité, ou entre les pulsions d’autoconservation et la pulsion de mort.
Les conflits, un fil d’Ariane…
Ainsi, je pris conscience que le bon psy doit permettre (non sans douleur !) d’unifier les tendances contradictoires qui nous éparpillent et brisent notre unité et notre focus. Comme le disait Paul de Tarse : « Je ne fais pas le bien que je désire, mais je fais le mal que je ne désire pas. » Aux autres certainement, mais aussi à soi-même. Ne sommes-nous pas souvent notre pire ennemi ?
Les actes d’autrui activent nos blessures, et dans un premier temps nous les leur attribuons. Mais avec la répétition des expériences, un schéma se révèle. Nous retombons sans cesse dans les mêmes écueils. N’est-il pas temps alors de réaliser de ce qui nous meut et de desserrer l’étau des contradictions ?
Freud était-il pour autant un bon psy ou un psy acceptable ? Devais-je le suivre comme unique maître ? Non, comme je l’explique dans l’article Psychothérapie Intégrative, centrer l’humain sur sa seule libido m’apparut tout aussi réducteur que d’ignorer son inconscient.
Fallait-il alors plutôt philosopher pour être libre ?
Puisque la psychanalyse avec Freud semblait nous réduire, était-ce dans la philosophie qu’il fallait forger sa pensée ? Fallait-il tenter d’échapper à l’emprise de cet inconscient pulsionnel par la faculté de raisonner ?
Je m’étais plongée jeune fille dans Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même. Devions-nous, comme il le proposait, travailler à renforcer le contrôle de soi ? ou devenir impassibles pour être heureux ? Existait-il un destin auquel nous devions nous adapter ? Il me laissa sur ma faim… Rapidement, les conseils de durcissement m’apparurent à la fois fastidieux et… asséchants émotionnellement. Car comment profiter de la vie si l’on reste entravé par la méfiance de l’autre et soumis à un « destin » ? Et ce soi-disant destin n’était-il pas pétri en fait de ce que nous avions refoulé ?
Serrer les dents, une habitude toxique…
En observant la réalité humaine, je me questionnais : si refouler nos souffrances nous aide un court moment, ne nous rattrapent-elles pas sur le long terme?
Nos somatisations, nos mauvaises décisions, nos débordements émotionnels n’en témoignent-ils pas ? De même que les réactions où nous ne nous comprenons même pas nous-mêmes. Nos burn-out montrent combien prendre sur soi peut finalement nous engloutir.
Si le stoïcisme de Marc-Aurèle ne nous rendait pas libres, existait-il une philosophie plus libératrice ? Qu’en était-il de Socrate et de sa maïeutique ?
Socrate était-il en réalité le premier psy ?
Bien sûr, Socrate sortait du lot. Inspiré par le métier de sa mère, sage-femme, sa maïeutique proposait d’aider par le questionnement la personne à accoucher de ses pensées et connaissances les plus profondes. Et surtout, de ce qu’elle ne sait pas qu’elle sait. En réalité, les gens sont plus riches intérieurement qu’ils ne le soupçonnent.
En effet, souvent une intuition fugace nous met en garde ou nous pousse, mais nous avons appris à la réfréner. Nous choisissons ce qui semble « rationnel » plutôt que l’écouter, alors même que ce « rationnel » est le plus souvent fait d’habitude mentale.
La démarche de Socrate offrait donc quelque chose de précieux. Grâce à lui, j’ai compris que le bon psy accouche les gens, non de vérités philosophiques, mais de leur vérité. Il met en exergue les contradictions profondes et facilite l’éclosion du sens de leur vie pour un moi plus sain et plus unifié.
Qui sommes-nous vraiment au fond ?
Car tout commence là… Les problèmes simples, chacun réussit à les résoudre. Mais qu’en est-il des problèmes complexes dans lesquels la personnalité se débat ? Et qui sommes-nous au fond, derrière nos apparences ? Devons-nous penser ou devons-nous ressentir ? Les deux évidemment ! C’est la conversation de l’âme.
Aussi la philosophie me ravit autant qu’elle me déçut. Marc-Aurèle et la plupart des philosophes ne débattent après tout que de ce qui émerge dans notre esprit conscient. Sans considérer les forces sourdes qui nous tractent. Je repris donc mon bâton de pèlerin vers l’univers du psychisme.
Est-ce que Carl Jung était le « bon psy » ?
J’ai découvert alors les travaux de Jung.
Jung montrait qu’il existait un inconscient collectif riche d’images mentales. Si Freud avait exploré le complexe d’Œdipe, en partant de l’histoire d’un jeune homme dans la mythologie grecque, il refusait néanmoins ce concept.
Pour Jung, les archétypes se transmettent universellement. Ils apparaissent dans les rêves, les traditions et les mythes. Dans les contes de fées, ce sont la méchante femme, la princesse gentille, le roi… Dans les mythes, on trouve partout la notion de déluge par exemple.
Et un de ces archétypes me parut essentiel. Était-on femme ? Était-on homme ? Jung explique qu’en deçà des apparences, nous sommes les deux. Il appelle « anima » la partie féminine que porte un homme, et « animus » le masculin dans la femme. On peut facilement ressentir ce concept lorsqu’on ne se fige pas dans un rôle et qu’on déploie toutes nos compétences.
Se libérer au fil des années
La lecture de Jung attira également mon attention sur l’âge du patient en analyse et l’étape de vie dans laquelle il se trouve. Un jeune adulte ne vit certainement pas la même chose qu’une personne de cinquante ans. Le cadre de référence ne sera donc pas le même.
Le jeune adulte
Concernant le processus de maturation du jeune adulte, Jung mit en exergue la notion de «persona». Il s’agit de ce masque que l’on donne à voir, souvent dès l’école, pour faire face à la vie sociale tout en protégeant son intériorité. Il permet aussi de s’adapter à ce qui est attendu.
Cette construction est une étape nécessaire du développement, qui s’élabore, on le sait aujourd’hui, sur la « théorie » de l’esprit. Ainsi, l’enfant observe et apprend à déduire les états mentaux d’autrui… Et à présenter une réponse qu’il juge appropriée ! C’est la désirabilité sociale.
Le concept de persona sera repris par Winnicott. Ce dernier constatera que si l’adaptation à la désirabilité sociale est trop forte, l’être spontané et curieux de l’enfance perd sa lumière intérieure. Il se sent vide et mort.
La maturité
C’est à la maturité que la personne devra normalement secouer le joug de la persona. Ainsi, le processus d’individuation invite l’être à plus de liberté. Il se recentre sur son Soi profond et ressent une aspiration à se libérer des carcans de son éducation. Cette crise, souvent du milieu de la vie mais pas que, pousse à faire le bilan de son existence actuelle. Elle ne nous satisfait plus, même si elle apparaît comme une réussite. Soudain quelque chose sonne faux…
Jung s’est beaucoup exprimé sur cette étape. En effet, il constate la nécessité d’élargir sa personnalité, de sortir de la « persona » du jeune adulte.
En résumé, Jung a énormément enrichi les théories de la psychanalyse. La notion de personnalité se révèle plus large et plus féconde. En outre, notre libido ne se limite plus à la seule pulsion sexuelle, mais représente toute énergie psychique, tout « élan vers ». C’est pourquoi Jung donne toute sa place au fondement de notre être, notre noyau, le Soi, qui le plus souvent se vit dans la dimension spirituelle.
Mais Jung était-il pour autant le « bon psy » pour moi ? S’il avait créé des concepts essentiels, sa vision même très vaste ne couvrait pourtant pas tout. En conséquence, mon exploration continuait et je me dirigeai vers Alfred Adler.
Alfred Adler était-il le « bon psy » ?
Qu’avait donc observé Adler ?
Chacun sait que beaucoup de jeunes adultes se plaignent de manque de confiance en soi ; sans parler des difficultés à trouver la force et la détermination pour se lancer dans la vie.
Ainsi, Alfred Adler a travaillé la question du complexe d’infériorité. Ce complexe qui peut poursuivre une personne toute sa vie.
Si Adler s’est particulièrement attaché à étudier le complexe d’infériorité lié à une infirmité physique, il s’avère que le sentiment d’infériorité (et dès lors d’humiliation) éclot également dans des situations de rejet ou de comparaison.
En effet, quiconque le ressent s’il n’a pas été entendu dans sa famille ou a eu l’impression de peu compter ou de moins compter qu’un frère ou une sœur. Les résultats à l’école étaient peut-être moyens ou médiocres (difficultés d’apprentissage, de motivation, de concentration, et même pour ceux qui ont été testés surdoués). Provient-on d’un milieu défavorisé ou d’une minorité ethnique ? A-t-on eu du mal à se lancer dans les relations amoureuses ? On peut en outre s’être trouvé brisé par trop de peurs et d’angoisses parce que les parents vivaient des périodes délicates et nous aussi du coup. La liste est longue et chacun peut percevoir où le ramène un sentiment de honte, d’inadéquation, d’imposture.
Ainsi, le complexe d’infériorité m’apparut comme incontournable. En effet, nous étions tous des victimes innocentes de l’environnement dans lequel nous avions grandi.
Par ses observations essentielles, Alfred Adler était-il le bon psy ? Non, mais un d’eux très certainement !
L’Ombre
La prochaine étape fut pour moi l’envie de sortir de l’être humain victime. En conséquence, la prise en compte de l’Ombre semblait incontournable. Il est intéressant de noter que les Pères de l’Église avaient totalement occulté les blessures de l’enfance. Ils se penchaient uniquement sur l’observation de nos manquements et de nos péchés.
Jung avait précisé l’ombre :
« L’ombre est un problème moral qui défie l’ensemble de la personnalité du moi, car nul ne peut réaliser l’ombre sans un déploiement considérable de fermeté morale »
C. G. Jung, Aïon.
Ainsi je me tournai vers celle qui parlait d’emblée de cette part d’ombre, à savoir nos défenses caractérielles.
Karen Horney, enfin la « bonne psy » ?
Les écrits de Karen Horney, et particulièrement L’auto-analyse (publié en 1942), m’ont amenée à explorer combien nos souffrances se répercutent sur nos relations. Jean-Paul Sartre avait-il lu Karen Horney ? Il rédigera un an plus tard Huis clos avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres. »
Sommes-nous trop proches ou bien trop distants? interroge Karen Horney. De nos peurs ou nos malheurs d’enfant, nous avons érigé des mécanismes de défense qui s’expriment dans nos relations.
Mécanismes de défense
- Le besoin anormal d’affection et d’approbation, de faire plaisir, en mettant l’autre au centre, avec dessous la terreur de s’affirmer redoutant l’hostilité ;
- Le besoin d’être pris en charge, avec l’idéalisation de l’amour et la terreur de l’abandon et d’être seul ;
- Le besoin de restreindre son existence, de se contenter de peu, en épargnant, en se limitant, en ne réclamant rien et en attendant peu de la vie. Dévalorisation de soi et valorisation extrême de la modestie. Terreur de faire des demandes.
Et à l’autre bout du spectre…
- Le besoin de puissance, de prestige et de biens, par la domination des autres ; la dévotion à une cause pour le pouvoir, avec la terreur de l’impuissance ; le désir de subordination d’autrui en méprisant leur individualité ; ou le besoin de contrôle de soi et des autres par la raison et la prévoyance, avec le sentiment de supériorité intellectuelle et la terreur d’être bête et de se tromper ; la croyance dans le pouvoir magique de la volonté ou à l’opposé, la tendance à renoncer à ses désirs par crainte de l’échec ;
- Le besoin d’exploiter les autres et la fierté à le faire, avec la terreur d’être dupe ;
- Le besoin d’estime sociale et de prestige, d’exciter l’envie, avec la terreur de perdre son rang ;
- Le besoin d’être admiré pour soi, pour l’idée qu’on a de soi, avec la terreur de ruiner cette admiration ;
- Le besoin de réussite personnelle en surpassant les autres, d’être spécial, avec la terreur de l’humiliation de l’échec ;
- Le besoin de se suffire à soi-même, de ne se soumettre à aucune influence, avec comme seule certitude de sécurité l’éloignement et l’isolement ;
- Le besoin de perfection et d’invulnérabilité et la terreur de se découvrir des défauts.
Guérir l’enfant intérieur
En deçà des manifestations évoquées plus haut sur les mécanismes de défense souvent mis en place à l’adolescence (surtout pour les mécanismes où l’autre se trouve mis en « objet »), on trouve toujours l’enfant intérieur en souffrance. Une fois que ce dernier est en paix, l’adulte découvre son propre chemin et réapprend à vivre autrement. C’est de tout temps ce à quoi les psychanalystes se sont attelés et c’est une partie essentielle du travail sur soi, même si concrètement on commence généralement une séance par les difficultés ou les émotions présentes.
Une épaule douce… et musclée !
Toutefois, il faut retenir qu’une authentique thérapie n’est pas faite seulement d’écoute et de compassion pour l’enfant intérieur, et que certaines étapes peuvent être rudes. En effet, un chirurgien serait-il utile s’il est plein de compassion mais n’opère pas ? Le bon psy se doit d’encourager son patient à explorer profondément sa personnalité pour la renouveler et construire autre chose.
En conclusion, contradictoires en apparence, les approches des différentes écoles de pensée, de psychanalyse, de psychologie et les spiritualités, apportent au « psy » une expertise multiple. Il va ainsi pouvoir s’adapter finement à l’unique sensibilité de la personne qui consulte. Au-delà d’une formation de base (qui passe aujourd’hui par les études de psychologie), ne faire référence qu’à une école de psychothérapie ou de psychanalyse, c’est priver son patient d’une écoute totalement ouverte.
Nous verrons dans la pratique de la psychothérapie intégrative les outils que j’utilise, et notamment les méthodes passionnantes que sont l’Analyse Transactionnelle et l’hypnose.
Bonne thérapie !
Brigitte MINEL, psychanalyste à Vincennes et à Mandres-les-Roses